Nous sommes dans l’univers de la RATP Un soir tard sur la ligne 9 du métro. Au détour du couloir de sortie, dans la mezzanine d’accès aux quais, séparée par une colonne de la haie des contrôles d’accès une cohorte d’agents de contrôle m’attend. Je n’ai que mon passe Navigo ancien modèle, la contremarque avec photo est restée à la maison. Ce genre de contrôle m’est arrivé plusieurs fois, à chacune une gentille admonestation du genre « ne l’oubliez pas la prochaine fois », et c’était réglé.
Mais pas cette fois, une contrôleuse me demande mon titre de transport. Mon petit passe sans photo ne fait pas grosse impression. « Vous êtes en infraction, veuillez payer immédiatement une indemnité transactionnelle de 40 €. ». Situons un peu : notre escouade de cinq agents du CSA RATP en treillis kaki badges et rangers, trois hommes et deux femmes est impressionnante. Mon interlocutrice, toute petite, a quitté le groupe pour me coincer contre la paroi, au cas où je tenterais la fuite. Je n’ai pas d’argent sur moi. Veuillez présenter vos papiers !.Je n’ai pas de papiers sur moi. Vous ne pouvez donc pas payer ? Non. (bien m’en prends, voir la suite).
Votre passe est en règle, mais votre infraction consiste à ne pas présenter l’autre partie, là où la photo permettrait de vous identifier. J’objecte un peu sur le ridicule de la chose, je n’ai pas volé mon passe, cela devrait sauter aux yeux de ma contrôleuse. Non, l’infraction doit être châtiée, l’exemple donné. Elle sort ses lunettes et entreprend un questionnaire complet sur mon identité, du genre de celui que rédigent les contrôleurs de la SNCF quand ils ont affaire à un SDF pas clair. Un de ses collègues, un grand gars, s’approche, il m’aide un peu à répondre, et me fait un sourire de compassion par dessus le tête de la contrôleuse en action. Il me dit que je dois aller m’expliquer et régler mon amende au centre de recouvrement, à côté. Je signe, prend congé et repars avec mon Navigo douteux, le papier bleu du procès verbal et le sourire du grand. Pendant tout ce temps, sept ou huit jeunes ont sauté les tourniquets d’accès après s’être rendu compte qu’il ne valait peut être pas cette fois ci tenter d’entrer en bloquant les portillons mobiles de sortie.
La suite, deux jours plus tard, au centre de recouvrement, 13 rue Jules Vallès 75011 Paris. Pas de queue. Accueil très courtois, pas d’attente, le recouvreur d’amendes, sympathique et disponible écoute mon histoire. Il vise la contravention et vérifie ma carte en tapant sur son clavier (je le soupçonne le remplir un questionnaire du type « retour d’expérience », REX dans le métier). On discute calmement. "Nous sommes sur un rythme de 2 000 infractions par jour, et nous en traitons environ 300, beaucoup plus les lundis. La plupart pour des titres incomplets". Je lui expose mon activité de consultant et justement nos interventions sur la fraude. Les taux de fraude annoncés de 4% dans le métro, de 10 % dans les bus ? "Invérifiables", leur diminution ? "Invérifiable" !. Les chiffrages unilatéraux des pertes de recettes imputables à la fraude reviennent souvent quand les comptes des délégataires s’éloignent des recettes contractuelles … Rompons là. Je vous dois quelque chose ? "Non, vous ne me devez rien du tout. Mais faites-vous donc faire le nouveau passe avec photo". Comme la carte Vitale.
Sur la qualité et le contexte des contrôles, rien de bien nouveau. Les contrôleurs n’ont ni l’âge, ni la vocation de courir derrière les vrais contrevenants si agiles et si astucieux, sans compter les risques d’une agression, ou pire. Les bons clients attirent les contrôleurs qui ont peut être eux aussi des impératifs de productivité.
Sur le recouvrement, l’attitude des agents d’accueil, le cadre impeccable et l’empathie discrète de mon interlocuteur m’ont séduit. On se serait cru au guichet d’une compagnie aérienne. En conclusion, .je crois que je vais me choisir une petite infraction, peut être sauter un tourniquet, pour revivre ces moments là.