Les nouveaux TGV Ouigo sont d’après Guillaume Pepy, cité par Olivier Razemon, journaliste au Monde, destinés « non aux habitants de la capitale qui disposent déjà d’une offre importante. mais à ceux qui vivent en périphérie". En effet, si la SNCF
a calculé que si 83% des Français avaient déjà pris le TGV au cours de leur vie." seulement 25% montent au moins une fois dans un TGV chaque année".
Marne la Vallée, deux Ouigo à l'embarquement
Après iDTGV et ses 30 destinations, créé en 2004, indépendant, réintégré en 2005 à la SNCF sous la pression syndicale, après iDNight abandonné en 2011, après les Prems’s, voici Ouigo qui, avec IDBus, cherche à renouveler l’offre de la SNCF. Ce n’est pas une nouvelle filiale de la grande maison qui en compte déjà, au moins, 657 mais une filiale de iDTGV. Grande différence !
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L’analyse de Stéphane Lauer (Le Monde), semble pertinente, qui voit dans cette nouvelle initiative la recherche par la SNCF d’un nouveau modèle pour ses trafics à longue distance, et en particulier sur l’axe Paris Lyon Méditerranée, la « vache à lait » immémoriale du train en France.
Chaque nouvelle initiative commerciale dans le low cost garde une particularité. Ce sont les ambiances (quoique) pour iDTGV, les services limités aux vacances scolaires et aux weekends pour Prem’s, les nouveaux aménagements et de nouvelles tarifications pour Ouigo.Tandis que les iDTGV ne sont que des rames affectées qui voyagent avec d’autres rames « normales », tandis que Prem’s ne sont qu’une catégorie tarifaire de plus, Ouigo va plus loin avec des rames bleu layette au-dedans comme au dehors, plus de bar, plus de liseuses souvent en panne à réparer, plus de corbeilles aux places, plus de bagages gratuits.
Et peu de gares desservies, très, très peu de gares centrales.
C’est à une étrange compétition interne à la SNCF que nous assistons.Chaque initiative « low cost », sur le rail comme sur la route (IDbus) propose en effet des tarifs vers 20 € avec des prix d’appel encore inférieurs, des restrictions diverses, dont des remboursements riquiqui en cas de retards, des pratiques tarifaires différentes (un vrai yield management en particulier sur iDTGV) et des « ancillaries» gadgets comme des suppléments étranges pour connaître le quai de départ par SMS, des pénalités si l’on n’a pas imprimé son billet, présenter un billet sur écran suffirait-il ?.
Cette course des compagnies historiques derrière les low costs n’est pas nouvelle. Qu’il s’agisse d’Air France avec Hop, de Lufthansa avec GermanWings, de BEA avec Vueling, de la SNCF avec son bouquet de TGV , c'est toujours d’une recherche de la rentabilité, non pas en diminuant drastiquement les coûts, ce dont les grandes compagnies sont assez peu capables, mais en recherchant de nouvelles recettes. Ils sont incantatoires ces taux de remplissage « canons » annoncés reposant sur la découverte de gisements inexplorés de clientèle, sur une théorique élasticité de la demande à l’offre.
Incantatoire, dans notre Ouigo, cette idée que de nouvelles gares draineront de nouvelles clientèles. Quelques discussions avec les voyageurs montrent que c’est bien plus de transferts de voyageurs des TGV « normaux », trop chers, qu’il s’agit, que de ces déplacements d’impulsion comme les fameux week end à Bruxelles, à Marseille des publicités. On constate aussi que si Marne la Vallée présente l’intérêt d’être sur la diamétrale du RER A, Lyon Saint Exupéry n’est que sur le tram train Rhône Express dont le billet coûte de 11 à 15 Euros, soit l’équivalent d'un ou de la moitié d’un billet Ouigo. Force est de constater que les contingents de voyageurs y sont bien maigres…
Les diminutions de coûts reposent en fait sur plus de rotations des trains, des péages, des accords salariés renégociés, des tolérances techniques accrues (aïe).En dehors des frais de collecte, déjà largement diminués sur l’ensemble de l’entreprise grâce à l’Internet, on ne peut attendre beaucoup d’économies d'exploitation dans la mesure où les gares et leur gestion continuent à peser, dans les comptes, dans la mesure où les syndicats qui deviennent tatillons sur la sécurité veillent aux statuts des personnels et se méfient des externalisations.
Fraude, contrôles et accès aux trains
Il semblerait qu’à côté de ces problèmes structurels de coûts et de recettes, l’un des obstacles au bon fonctionnement de la formule soit la maîtrise des embarquements. Dans leur conception actuelle (cela évolue) les gares ferroviaires sont des passoires. Pas de filtres voyageurs, de multiples accès à quai, des besoins en personnels considérables pour un contrôle tout relatif des voyageurs montants. Ah les départs des Marseille Aix en Provence, des Marseille Toulon, les cavalcades des groupes qui sautent les voies, sprintent au bout des quais et bernent la Suge !
Dans notre Ouigo, il est demandé de se présenter trente minutes à l’avance, de présenter carte d’identité et billet à un poste de contrôle, comme dans les portions de quais iDTGV, mais dans la gare elle-même. Bref du moderne, presque de l’aérien.
Marne la Vallée, comment passer de l'attente au quai
Oui mais les gares ?
Le problème du contingentement-contrôle des voyageurs n’est pas nouveau. La gare du Nord a pu installer une « gare bis » Schengen pour Thalys et Eurostar, Lille Europe a bricolé un espace contingenté, Marne la Vallée des filets autour de ses escaliers. Si un espace d’attente Ouigo y a été aménagé, il est bien insuffisant devant la foule qui respecte l'étrange initiative imposée des trente minutes d’attente. Un TGV moyennement rempli, c’est 400 personnes à entasser pendant une demi-heure sur une cinquantaine de sièges. Si comme cela arrive il faut accueillir les quelques centaines de voyageurs d’un Ouigo annulé la veille (il n’y a pas beaucoup de TGV bleu layette en réserve), c’est à une pagaille noire que nous assistons. Plus aucun contrôle d’accès, pas de contrôle des bagages supposés donner lieu à supplément, snafu !
L’architecture des gares donc. Mais il y a aussi l’illogique superposition des annonces (légèrement contradictoires) du personnel de la gare et des malheureux agents Ouigo avec leurs mégaphones. Aux annonces formatées de la gare s’ajoutent les annonces improvisées, maladroites, répétitives d’un personnel Ouigo visiblement mal préparé. En anglais ? mais non mais non.
Dans un prochain épisode, nous vous raconterons les embarquements à Marseille Saint Charles, Montpellier, Valence et autres gares...