A nous les vastes paysages ! Filons à la découverte des verts vallons de notre monde des transports. De voyageurs, car de fret (du cargo dit- on) point nous n’en ferons même pas mention. Par charité, il ne faut pas, dit-on tirer sur les ambulances
Nous parlerons de deux paysages ferroviaires forts différents. Le financier d’abord, celui de l’autoroute enfin car l’autoroute est dorénavant ferroviaire.
Des péages
D’abord le paysage financier. Celui des péages ferroviaires, dus par l’exploitant à lui-même, puis à un tiers alter ego, RFF, ils ont d’abord été inexistants ou très bas. Cela a permis au TGV de devenir le must ferroviaire de nos régions. Beaucoup de politique, de lignes, de liaisons, de gares et des milliers de train ultra moderne trottinant gentiment dans les campagnes. Faibles péages, faibles provisions pour entretien et renouvellement, qu’à cela ne tienne, trains neufs sur voies neuves, les régions paieront pour les TER, l’Etat pour les intercités, et vogue la galère.
Oui mais. Une fois (presque) terminées les querelles de cour d’école entre SNCF et RFF, on découvre les gouffres financiers du passé, on appréhende ceux du présent, on redoute ceux de l’avenir.
Du passé (sous le tapis), retenons les charges financières des déficits des lignes nouvelles, mais aussi les chantiers (déjà pharaoniques mais discrètement menés) de la rénovation de la première ligne à grande vitesse, celle de 1981. Du passé aussi, et de toujours, les intérêts d’une dette « ping pong » transférée à RFF, peut être revenant de nouveau à la SNCF, jamais apurée. De ces évènements nous oublierons tout, mais attendons-nous à de nouvelles querelles dans le déjà bien connu ménage à quatre, Bruxelles, Etat, opérateurs, régions…
Du présent, retenons la baisse des fréquentations, celle des recettes assommées par les hausses tarifaires, les coûts des remises à niveau dans l’urgence –donc à grands frais- de pans entier des réseaux « secondaires » saturés, dangereux, que l’on voulait candidement attribuer aux régions. Les règlements de comptes entre les autorités de tutelle, les opérateurs et les responsables sont dorénavant émaillés d’accidents, quelquefois mortels. Attendons.
Du futur enfin. Un gigantesque programme de travaux et de renouvellement des matériels est nécessaire, pour lesquels il va falloir trouver financements et maîtres d’ouvrage. Nous faisons le pari que les régions prendront leur part et au-delà dans le cadre de leurs nouvelles ressources. Gageons aussi que les promesses et les pratiques de l’opérateur, déjà bien disqualifié, ne seront plus de mise.
Le paysage ferroviaire du futur est sombre, moins de voyageurs, moins de recettes, moins de ressources et des actions « low cost » d’opérateurs connus qui sont de nouveaux concurrents d’autant plus efficaces qu’il nous est arrivé d’aller sur leurs terres. Plus de fret, des syndicats à cran. Et des Paris Marseille, Toulouse, Biarritz, des transversales comme Biarritz, Bordeaux Lyon moins chers en avion qu’en train.
A l’autoroute
Contemplons plutôt les nouveaux paysages ferroviaires, ceux des autoroutes. Des autoroutes ? un opérateur ferroviaire ? oxymore ? Petite explication en deux temps:
1 : occuper le terrain. A la maison, sur les rails, créons les TGV Ouigo. Les tentations low cost aux coûts réduits, donc à partir de gares aux péages moins élevés, Saint Exupéry pour Lyon, Marne la Vallée pour Paris…jusqu’à ce que, les fréquentations aidant, ces péages augmentent. On ne gagne guère, on se forme, on apprend à faire avec des clientèles finalement assez nouvelles.
2 : occuper tout le terrain : les autocars IDbus. Ce n’est pas que l’idée soit géniale, la SNCF ayant été la première à faire du lobbying pour limiter le cabotage des autocars de lignes internationales mais des concurrents étrangers –quelle horreur- se profilent quand même. Va donc pour les cars sur autoroute. On ne gagne rien du tout, on se forme, on existe.
Un matin donc gare de Paris Bercy, au fonds du parking, un car pour Lille et Amsterdam s’échauffe, des voyageurs en retard accourent, on les attend. Le nôtre part à Milan par Lyon et Turin. Départ à l’heure, on s’installe. Pas mal de places vides. Serait-ce cette interdiction de cabotage qui limite le nombre de places disponibles à la vente entre Paris et Lyon ? Que vaut réellement ce positionnement horaire qui fait passer la journée sur la route pour arriver en soirée en Italie avec un prix de billet guère différent de celui d’une place d’avion de Beauvais à Malpensa, par exemple ? Clientèle de sacs à dos et immigrés. Beaucoup de bagages, pas de familles, très peu d’enfants.
Le conducteur fait les annonces, nous serons à Lyon vers 14 h, on fera une pause à l’aire du Chien Blanc, à mi-chemin de Lyon. Le car est moderne, climatisation, WC et accès handicapé, on est très haut et le paysage est bien différent, bien plus intéressant que celui d’un automobiliste. L’Internet par Wifi fonctionne à peu près tout le temps. Liaison 4G me dira-t-on. Nous y voilà, l’autoroute est peu chargée, il fait beau, la route des vacances en quelque sorte. Les zones d’activité s’espacent, bientôt la forêt de Fontainebleau, les longs vallonnements du Gâtinais. Des moissons à perte de vue, quelques camions et des caravanes vite doublés.
Comme en avion, les écrans nous indiquent notre position et réévaluent en permanence les heures d’arrivée. On passe l’aire du Chien Blanc, rien, pas d’arrêt, pas d’annonce, cela commence à s’agiter au fonds du car. Pas d’annonce, pas de réaction. On croise la voie du TGV au point de mi-parcours de la ligne nouvelle, on traverse les contreforts du Morvan et la grande descente vers la plaine de Saône s’accompagne d’une bonne nouvelle. Le conducteur décide l’arrêt à une aire dotée de toutes les conforts que l’on peut attendre d’un voyage en car de luxe.
Nous avons 45 minutes pour nous restaurer (paella à volonté), nous détendre sur les petites plaques de gazon. Juste à côté des semi-remorques bulgares ont tombé les hayons, les réchauds et la bière. Les caravanes qui descendent d’Europe du nord longent notre parking en reprenant le fil de leur voyages, quelques auto stoppeurs gesticulent. Ils ne traîneront pas.
Comme au départ d’un bateau, le klaxon rameute la troupe, le conducteur compte et recompte. Une heure de route et c’est l’arrivée à Lyon. Sorti de l’autoroute sous le centre d’échange du Cours de Verdun le car de n’y engage pas. Surprise. Aurait peu des Eurolines, Alsa et autres ?, il part en fait dans un invraisemblable tour pour s’engager à grand peine, frottant le trottoir, dissuadant les voitures de location en train de se garer, tanguant et cahotant sur les vénérables rampes d’accès à l’antique gare de Perrache, celles que l’on voit chargées de fiacres sur les cartes postales.
Ceci pour venir s’arrêter devant l’ancienne entrée. Le conducteur prend congé, quelques voyageurs pour Turin et Milan chargent leurs bagages.
Il est 12 h 40, le voyage a duré 5 heures et dix minutes pour 29 Euros. Bof. Il est vrai qu’un trajet de Paris centre à Lyon centre en IDTGV pour un prix équivalent se fait en quatre heures, temps d’approche compris. A condition d’avoir un abonnement Navigo à Paris et d’éviter Rhône Express à Lyon…