Il est coutume de distinguer le transport formel de l’informel. Aux entreprises de transport routier titulaires de l’inscription au registre de transporteurs le droit d’exercer la profession de transporteur public, aux taxis titulaires de diverses licences le droit de faire taxi sur la voie publique, aux grandes remises également licenciés l’autorisation de proposer des services de transport sur commande.
Rappelons que les candidats au transport public de personnes doivent présenter une double garantie, financière (capitaux propres par véhicule), professionnelle (qualifications et compétences) pour obtenir un certificat d’inscription au registre des transporteurs. Pour les taxis et les loueurs avec chauffeur, à ces conditions s’ajoutent des licences délivrées par les villes. plus des licences communautaires, des licences de transport intérieur, l’inscription à des registres des transporteurs, des loueurs….
Les transporteurs publics sur lignes régulières nous transportent donc : scolaires, usagers des réseaux urbains et interurbains. Ils sont en partie financés pour les agglomérations par le Versement Transport, complété de plus en plus souvent, par les budgets des collectivités qui les organisent. Les transports par taxis, plus chers sont financés par les clients.
Les utilisateurs des bus et des cars qui trouvent souvent qu’il y en a pas assez, ne se plaignent en général pas des tarifs, les taxiteurs licenciés propriétaires de leurs véhicules et de leurs licences restent discrets sur leur business, tandis que leurs salariés ou ceux des entreprises se plaignent de travailler trop et de mal gagner leur vie. Les collectivités qui voient grossir les déficits commencent à se demander comment cela va pouvoir continuer…tandis que les entreprises qui exploitent leurs réseaux mettent en service des transports à la demande dans les trous de leurs domaines spatio temporels…
Créabus, un pionnier du transport à la demande (Véolia Transports)
Tout cela est très bien et traduit notre vision occidentale d’un transport public organisé, celle d’un pays riche qui dispose d’une administration compétente et des élites qui vont avec. On peut se douter que cette situation risque de ne pas trop durer, que tout ne va pas si bien. Ce sont des appels de plus en plus importants aux budgets des collectivités pour combler les déficits des réseaux, des suppressions de services en cours ou programmées dans des réseaux interurbains soumis aux contraintes budgétaires, les dysfonctionnements des taxis, qui, par milliers dans les aéroports attendent la course qui fera la moitié de leur recette du jour et sont absents des cœurs de villes, qui travaillent aussi de plus en plus sur commande, avec des clients réguliers.
Le transport informel. Celui d’initiative privé, celui des minibus dans lesquels on s’entasse pour aller en cahotant, bruit et odeurs, du coin de la rue à son école, son travail, son université reste l’apanage des autres pays, c'est-à-dire d’au moins 90% de la population mondiale qui est elle aussi de plus en plus mobile, de plus en plus citadine.
Nous l’appelons « informel » parce que non règlementé. Non règlementé mais codifié. Cela se passe en Amérique Centrale, en Amérique du Sud,, en Afrique, au Moyen Orient en Asie, dans toutes les îles, dans les franges de l’Europe, en Russie.. L’investisseur, un commerçant, un fonctionnaire fournit le véhicule, le chauffeur et son aide acrobate installent divers grigris versets, chapelets pour conjurer le mauvais sort, les accidents. Ils font leur journée, payent le carburant bricolent et réparent, puis versent tous les soirs une partie de la recette. Quelques policiers et agents d’autorité répartissent les créneaux horaires et les places aux terrains faisant office de gares routières, négocient les documents nécessaires, taxent prélèvent, exigent des prébendes. Tout cela roule, pollue, fonctionne.
Nous sommes maintenant en France, on dira que cela se passe aux portes, disons, d’un collège ou d’un lycée privé, d’un lycée d’enseignement professionnel, de ces établissements dont les élèves habitent loin et pour lesquels le transport scolaire est difficile à faire fonctionner. à toutes heures. On dira que cela se passe aussi sur le parking d’un hôtel lointain à l’heure des femmes de ménage. Ou bien aux terminaux d’aéroports, à proximité des gares routières, des stations de taxis.au petit jour, des gares à touristes. On reconnait les « neuf places » avec ou sans inscriptions (le plus souvent sans), souvent des Transporter, des Logan en versions plus ou moins équipées, adaptées au transport de chantier, aux navettes de luxe pour VIP. Au volant des entreprises de taxis, des salariés de transporteurs certifiés, des « compte propre » qui transportent leurs personnels.
Mais aussi de nombreux nouveaux venus. Certaines entreprises de services à la personne transportent ainsi des enfants vers des activités extra solaires, d’autres, auto entrepreneurs, ont des abonnés, quelques dizaines d’euros par enfant et par mois. Ils les prennent en bas de chez eux, les attendent à la sortie de l’école. D’autres se sont instaurés transporteurs de proximité dans leur immeuble, leur groupe d’immeubles. Courses, rendez vous de médecins, enfants isolés, ils peuvent tout faire, rapporter les médicaments de la pharmacie, taire le taxi clandestin vers la ville, aller et venir à heures convenues, transporter des colis, approvisionner la supérette du coin. rendre des services aux mères de familles, aux personnes âgées, aux hommes d’affaires qui n’ont ni la possibilité ni le goût d’utiliser une voiture, que les problèmes de stationnement, le coût, le vandalisme rebutent.
Ces services sont bien leur raison d’être. Ajoutez à cela des tarifs d’autant plus légers que le conducteur est quelquefois un chômeur, un retraité, que le véhicules est quelquefois assuré pour un usage privé, que le temps n’est pas vraiment compté. Et tout cela se développe.
Quels enseignements de tout cela pour la Relation Client Transport ?
1°/ Qu’il y a un énorme besoin de transport dans une catégorie de la population qui n’a pas le permis, la voiture, les moyens de payer l’assurance, l’essence. Pour qui le taxi est trop cher, le transport collectif officiel non adapté.
2°/ Qu’il existe un grand nombre de chômeurs retraités, inactifs divers, insérés dans des réseaux de banlieues, dans des milieux professionnels, qui achètent ou louent un véhicule, se mettent le cas échéant en auto entrepreneurs
3°/ Qu’ils sont de plus en plus nombreux, sans se préoccuper outre mesure de la réglementation, à offrir leurs services rémunérés. Le confort n’est pas grand, le prix non plus, les voyageurs connaissent le conducteur, leur voisin. Leurs petits quotidiens défilent dans la conversation, la vie passe. Et un service irremplaçable a été offert. Les bagages et les colis déposés, la grand-mère un peu handicapée a été aidée, le fils a été emmené et ramené de l’école en sécurité, on se connaît…