Go Airport, go ?
Lyon ? L'une des agglomérations françaises la plus proche des standards allemands et helvétiques par la qualité et la variété de ses transports publics.
Une agglomération qui a souvent été pionnière … La panoplie de l’offre de transport du Sytral (le syndicat local des transports) et de la région est complète. Des vélos en location aux voitures électriques, du métro aux tramways, des trolleybus à haut niveau de service aux sites propres, des points d’échange sophistiqués aux gares nouvelles.
Tout y est, y compris l’aéroport international, Saint Exupéry, tout beau avec son terminal low cost, et sa gare TGV. Pas trop loin, à 25 kilomètres.
Mais, malgré la puissance économique de la région, cet aéroport n’est utilisé que par moins de 10 millions de passagers par an, loin derrière Nice. Avec beaucoup de passagers régionaux, de passagers des low costs qui traversent l'Europe pour 30 ou 40 € et peu de passagers long-courriers malgré depuis un an un vol quasi quotidien vers Dubaï en passagers et cargo.
Les causes de cette situation sont bien connues. La politique de hub d’Air France à Roissy en premier lieu, mais aussi la proximité de l’aéroport de Genève. Bien relié par l’autoroute et des TER efficaces, cet aéroport offre une palette de vols internationaux à des conditions souvent plus attractives que Roissy et son RER B.
Rhône express
Il fallait réagir, améliorer les liaisons Lyon aéroport.
Ce fut le tram Rhône Express, une demi-heure entre la Part Dieu à l’aéroport. Cette liaison nouvelle a pu être mise en service en 2010 dans des délais record grâce à l'utilisation de l’infrastructure d’une ancienne ligne de chemin de fer d’intérêt local, et par une concession PPP (un partenariat public privé).
On tirera un voile sur les péripéties politico médiatiques (et aussi judiciaires) qui ont entouré sa naissance, en attendant de voir de nouveau ce tram à la une de la presse locale quand il s'agira de raccorder, puis de mettre en service la desserte d’OL Land, le stade des Lumières, le grand stade local. Mais chaque chose en son temps.
Bien né, le service est efficace, avec des temps de transport presque garantis par le contrat de concession (la cohabitation avec le tram ne va pas sans difficultés). Il est apprécié des voyageurs pour sa qualité, le professionnalisme de ses agents anglophones.
Oui, mais:
- Le terminus « Saint Exupéry » est situé tout au bout de la gare TGV, à 400 mètres au moins des terminaux, 7 minutes à pied sur des « travelators », comme à Roissy vers le 2E !
- Le trajet coûte 15 € (un peu moins si l’on réserve par Internet) soit près du double des anciens trajets en bus qui subissaient quelquefois des retards dans les encombrements mais qui en allant finalement aussi vite desservaient d’autres gares et le métro à Mermoz pour ceux qui voulaient sauter les embouteillages de l’entrée dans Lyon.
Le prix, voilà donc où le bât blesse, les billets sont chers, chers pour la distance, chers par comparaison avec le prix des transports lyonnais, chers surtout par rapport aux prix des billets. Comment accepter de payer 15 euros pour aller prendre un avion avec un billet à 30 euros ou des TGV Ouigo (de plus en plus plébiscités) à 15 ou 20 euros ?
Comment ne pas imaginer un service public de transport à un prix raisonnable, comme celui des taxis Elit-voyages dont les tarifs commencent à 8 euros ?
Comment ne pas imaginer un service reconnu comme un service public complémentaire de Rhône express, autorisé à « toucher » l’aéroport au plus près des terminaux, disposant de ses points d’arrêt, signalé au même titre que les cars Satobus qui vont vers les autres métropoles régionales.
Comment ne pas imaginer l’installation par l’aéroport d’une plateforme dédiée aux autres transports, VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur), les minibus à la demande, le car sharing, les covoiturages, les navettes privées d’hôtels, de parkings. Tout ce qui se fait de plus en plus souvent comme les « Go Airports » des aéroports américains.
Tout ce qui va devenir de plus en plus nécessaire maintenant que les concessionnaires de transport public développent les transports à la demande, les VTC, les covoiturages, maintenant que les grands loueurs se lancent dans l’auto partage.
Go Airport
C’est ainsi qu’est né le « Go Airport » lyonnais en décembre 2013. Un trajet de 10 minutes à heures fixes entre le terminus du tramway et l’aéroport. Un billet à 7,5 euros sur réservation, des minibus tous neufs.
C’était sans compter avec la résistance des institutions. Celles-ci sont engagées financièrement dans le contrat de concession du tram Rhôn express et l’apparition de nouveaux acteurs concurrents fait peur.
Au point d'inciter à bloquer tout ce qui peut l’être, de refuser l’accès direct à l’aérogare comme en disposent les « vrais » transports publics, d’interdire tout affichage. Résultat ? Des pantalonnades dont la presse s’est abondamment fait l’écho, et un Go Airport qui part de la station de tramway Meyzieu ZI à la condition que rien ne le signale, pour arriver incognito à la dépose minute du terminal 1.
Incognito, tout comme les taxis marrons qui tournent autour des grandes gares, des aéroports. Heureusement que grâce à des chauffeurs aimables, à un service impeccable, au bouche à oreille des habitués, la fréquentation des minibus. augmente.
Qu’en penser ?
Que le monopole actuel d’un transport cher est condamné à disparaître, condamné par les initiatives individuelles et collectives qui ne manqueront pas de se multiplier, condamné par les acteurs du transport eux-mêmes, les compagnies aériennes low cost, Ouigo, qui mettront en avant les budgets transport de leurs clients.
Ce monopole est condamné à être secoué dans les remous qui ne manqueront pas d’agiter le monde politique local quand les usagers feront entendre leurs voix, quand Rhône express s’arrêtera pour travaux, quand le Sytral sera appelé à tendre une main (des rames) secourable(s) au concessionnaire., quand la reprise de la concession deviendra politiquement envisageable, comme cela l'a été pour d’autres projets locaux d'infrastructures, en leur temps.
Ce monopole est condamné à disparaître quand, malgré toutes ses préventions, l’aéroport Lyon Exupéry sera contraint à accueillir, à signaler les transports non conventionnels.
Quand l’aéroport sera tenu d’informer les voyageurs sur les divers moyens de transport, leurs horaires, leurs conditions de réservation, leurs prix, comme tant d’autres plateformes à l’étranger. Comme à Chicago, par exemple, où le terme « Go Airport » désigne toute la palette des transports publics, une dizaine de systèmes, à la disposition des voyageurs dans le cadre de concessions aéroportuaires.