SNAFU Express[1] ou la relation client cars et trains

On dira que c’est un ensemble de déplacements professionnels donc tout à fait normaux, sauf que ce serait dans la vallée du Rhône, sur terre, sur fer, sur mer.

Redécouvrons le taxi du coin, en car

Un car TER impeccable, à l’heure, un conducteur pimpant dans sa chemisette blanche brodée au nom de la compagnie. Aimable, concentré sur la conduite, soucieux de l'horaire. Il n’y a pas beaucoup de voyageurs, plutôt le genre tranquille; grand-mère qui va attraper un TGV pour aller s’occuper de ses petits enfants dans une capitale lointaine, randonneurs épuisés, quelques étudiants au fond. Les points difficiles sont passés, on est à l’heure et le conducteur s’est détendu. Les annonces d’arrêt sont déclenchées par GPS à quelques mètre près. "C’est certainement bien mais on n’a plus aucune liberté, nos trajets sont enregistrés au fur et à mesure, cela va chez l’employeur, mais aussi dans une société qui nous contrôle. Tout est vérifié, les vitesses, les avances, les retards…ah,  parlez moi du temps des disques enregistreurs". On pouvait bloquer la machine, perdre des disques. ..

Le terminus approche, un agent de la société de contrôle attend. Petit coup de main du conducteur  aux voyageurs pour sortir les valises et les sacs de la soute. Pendant ce temps l’agent de contrôle note l’état du car, intérieur, extérieur, la tenue du conducteur, petit bonjour, et passe au suivant. Il va vraisemblablement faire le trajet retour  sur la ligne. le conducteur  qui n'est pas un novice devient silencieux, il semble vivre en un instant  dans la tension sourde des taxis de banlieue au départ des aéroports quand ils cherchent des yeux les agents de contrôle, les « boers » et leurs  petites contrariétés. Petit salut, en route pour la gare…

SNAFU 1:le train ..est supprimé.

Le train figurait bien à l’horaire. Un affichage, cela sera un car, cinq petites minutes de battement. Rien ne laissait prévoir ce contretemps qui serait dû à un programme de travaux en cours sur la ligne. On dira que l’importance des travaux oblige à supprimer les petits TER en premier lieu. Vite vite dans le car affrété en urgence, conducteur pas au courant des détails, voyageurs désorientés qui ne savent pas bien si leurs correspondances seront assurées.

Le conducteur est accompagné d’un nouveau, en formation, son copilote. Le contrôle des billets est sommaire, les ceintures de sécurité ? « C’est un car qui fait le scolaire, ils coupent les ceintures, font des nœuds avec sous le sièges, mettent du chewing gum dans les fentes », ah bon. En route. De jolies voyageuses se plaisent à la conversation du jeune homme qui reste très conscient de sa responsabilité d’accompagnateur. Le car prend le départ en retard, il ne le rattrapera pas, au contraire; montées et descentes à chaque gare, manœuvres, conciliabules. Tout s'éclaire, non seulement les travaux mais une agression. La veille un contrôleur a été agressé, coups de couteau, signal d’alarme, arrêt en pleine nature. Les agresseurs se sont enfuis à travers champs, on ne les retrouve pas . Du côté des contrôleurs, il y a eu exercice du droit de retrait et des trains supprimés.

On continue, la conversation va bon train…On dira qu’hier cinq jeunes (des filles apparemment) sont montées dans le car sans payer. Le chef de gare serait intervenu, sévère prise de bec. Les filles « on ne paye jamais le train, il n’y a pas de contrôle, comme on ne paye pas le train, il n'y a pas de raison qu’on paye le car qui remplace le train ». Logique. On dira que le car est parti, avec les filles, sans payer.

SNAFU 2 :le train …..est retardé.

La troisième partie du voyage consiste à prendre le train d’après. Mais les hauts parleurs… « Suite à l’agression d’un contrôleur, certains trains on été supprimés, le train…initialement prévu à…..aura un retard de 20 minutes ». Le conducteur du car soucieux d’être arrivé en retard n’aurait pas du s’en faire tant. .La foule s’amasse,. Le retard dépasse maintenant 30 minutes. En route.

Pas de contrôle. A l’arrivée une foule de navetteurs qui attendent pour rentrer chez eux, dans l’autre direction. Ils sont très énervés et montent en gènant la descente des voyageurs chargés de bagages qui se demandent comment ils vont attraper leurs correspondances.

Nouveaux voyages en TER. Les rames sont presque neuves, en bon état, juste un peu taggées sur la tôle (les vitrages ont été nettoyés et débarasés de leurs peintures), elles sont presque à l’heure, tellement pleines que l’on se croirait sur la ligne 13 du métro parisien . Pas de contrôles. Les contrôleurs ne pourraient de toutes façons pas progresser dans la foule des voyageurs debout, assis sur leurs bagages. Dans la gare il y avait avis que des contrôles à l’embarquement seraient effectués sur les quais. La foule  permet de converser avec son voisin, elle apporte aussi un petit divertissement. Celui des réseaux sociaux, auxquels tout individu moderne doit appartenir n'est ce pas, et qui se vit ici dans les petits morceaux d’intimité dévoilés par les portables. Pas grand'chose, pour l’essentiel, des heures d’arrivée, retards compris, des rendez vous, des projets de soirées, la variété des sonneries, des prénoms, des petits mots en fins de conversation.

En mer

On dira qu’on prend le navire d’une ligne régulière pour une courte croisière en mer et en transport public. Navire impeccable, agrès et équipements  à jour, en place. Pas trop de monde, des habitués, des touristes, les accompagnateurs de groupes dans la cabine avec le capitaine et le mécanicien. Les matelots ont orné leur tenue règlementaire de vraies lunettes de descendeurs olympiques. La mer n’est pas trop forte, on va chercher des touristes en attente sur une petite île, dernière rotation de ce côté. On dira qu’il ne reste personne et on continue.

Embarquements et débarquements aidés par deux matelots, un de chaque côté, qui soutiennent et portent les voyageurs effrayés par les mouvements du navire. Hop, un petit saut, un sourire une photo. Un délicieux sentiment du danger affronté, on s’en souviendra plus tard. Parti à l’heure, arrivé à l’heure, pas d’annonces intempestives, on peut même fumer à m’arrière. Sourires des personnels.

Quelles conclusions pour la Relation Client Transport?

1°/ Bus en retard, trains remplacés: la présence et la gentillesse des conducteurs changent radicalement la vie des voyageurs. Dans notre voyage, le conducteur et son aide rassurent, leur tranquillité et leur compréhension calment. Il faut former les conducteurs aux situations difficiles. C'est ce que fait, en particulier, le programme "Going for Green" de Véolia Transports. C'est ce que nous faisons dans Proud of. ne pas oublier aussi que les contrôles stressent et infantilisent les conducteurs qui, même endurcis, redoutent d'être épinglés pour des broutilles. Ce que nous appelons les "relations client internes", entre le management et les personnels en contact avec la clientèle avec retours et explications, sont la garantie d'une bonne acceptation de ces procédures.

2°/ Trains supprimés, trains retardés: la dureté des métiers de contact avec la clientèle quand tout va mal. Les affrontements avec les  voyageurs, l'absence des personnels, l'improvisation à laquelle sont contraints ceux qui restent à l'accueil, sur les quais, et qui font face aux fraudeurs sans vergogne, à la foule qui se déplace en troupeau affolé suivant les annonces. Que de stress et d'amertume chez ces professionnels cheminots qui adorent leur métier, que de déceptions, de voyages gâchés, de ressentiments qui s'amplifient chez les voyageurs.

3°/ Touristes prêts à vivre des aventures, matelots souriants, disponibles, efficaces. Que le navire bouge un peu et l'aventure est là, au transbordement. Comme les pompiers, les matelots ont une relation client exeptionnelle, celle de celui qui peut, qui va certainement sans aucun doute  sauver des vies.

« Situation normal, all fucked up » (ou « fouled up »), quand tout part de travers… 

Citation de  « si on redécouvrait l’arabe du coin » de Thierry Spencer, pris et repris par les media du marketing et du service. Ainsi, Eco rue 89.