Paris-Lyon en autocar ?
Avant le 6 août 2015, les lignes d’autocar internationales n’avaient pas le droit de transporter beaucoup de clients entre villes françaises. A quelques exceptions près, elles passaient à côté de la clientèle franco française !
Emmanuel Macron a voulu changer tout cela en autorisant de vraies lignes interurbaines au-delà de 100 kilomètres, ce qui a entraîné l’arrivée de nouveaux opérateurs, aux côtés des filiales de la SNCF et des grands groupes français de transport.
Quels nouveaux opérateurs ?
Des allemands, des anglais, déjà rompus au transport à longue distance, à ses réussites et à ses échecs dans leurs pays d’origine. Comme ils disposent d ‘importantes ressources financières, ils ont choisi de prendre des parts de marché avec une politique commerciale agressive avec des tarifs très bas.
Ils sont de deux types, les opérateurs qui font travailler les grands transporteurs régionaux, ils peuvent d’ailleurs être eux-mêmes des groupements de transporteurs, et ceux qui ont leurs propres cars, leurs propres chauffeurs.
Et tu as choisi ?
Megabus bien sûr, un géant (40 millions de voyages par an annoncés), c’est une compagnie écossaise avec des filiales aux Etats Unis et au Canada. Elle m’a vendu un Paris Lyon à 10 €, mais j’aurai aussi pu acheter un billet à 3 € en soirée. Je suis donc parti le 27 octobre à 16 h de Paris Bercy, la gare des autocars.
Le départ ?
A l’heure, impeccable, la grande nef de la gare des autocars de Bercy est vide, quelques départs Mégabus vers Lille, Milan par Lyon et Turin, mon car pour Lyon.
Je m’installe dans le car, pas de contrôle.
Comme à la SNCF ?
Oui, comme souvent à la SNCF, aucun contrôle, ni avant ni pendant le voyage. Les retardataires japonais ramassés sur le trottoir après le départ ont quand même dû montrer leurs numéros de réservation, à cause du risque de confusion avec le Lille qui part à la même heure !
Du monde ?
39 passagers pour 50 places, des étudiants, des familles avec d’énormes bagages, des enfants, deux bébés.
Le conducteur ?
Ce n’est pas le conducteur prévu, il fait un remplacement, après un Lille le matin, une relève est prévue à la Ferté (Chalon-sur -Saône) car il sera « en butée » de son temps de conduite. Comme il n’a jamais fait ce service, le chef d’escale le guide par téléphone entre la gare et le périphérique. Il a mis le haut-parleur, tout le monde profite de leur dialogue.
Nemours ?
Jusqu’à Nemours tout se passe bien. Mais une patrouille des douanes nous dépasse et nous guide vers une aire d’arrêt. Arrêt du car, ouverture des portes « quelqu’un a- t-il plus de 10 000 € en liquide ?, éclat de rire général. Un jeune qui tripote son smartphone est suspecté de filmer la fonctionnaire qui lui demande –très colère- de supprimer immédiatement l’enregistrement. Le chien douanier va dans la soute. Pendant une demi-heure douanière et douaniers apportent dans le car des bagages à reconnaître. Vérification des papiers du conducteur et du car, c’est fini.
On repart, mais, les douaniers n’ont pas donné de récépissé de leur visite.
Et vers Tonnerre ?
La nuit est tombée, atmosphère de série américaine : une voiture des douanes avec un panneau lumineux « suivez-moi » et des flashes se place devant nous, ralentit, nous oblige à un nouvel arrêt sur une aire de service. A la lueur des phares, c’est le grand jeu. Tous les passagers doivent s’aligner sur le bitume derrière les bagages, deux files étranges, silencieuses, en majorité des étrangers qui ne comprennent guère ce qui arrive. Quatre douaniers armés parcourent l’alignement dans la lumière des phares de la voiture de service. Arrive la douanière et le chien. Longue recherche dans les bagages. Un étudiant chinois se fait interroger. Aux questions en pseudo anglais du douanier, il préfère répondre en son français balbutiant. Ah, une prise ? Un malheureux jeune homme doit déballer sa valise, retourner ses poches, s’expliquer. Sera-t-il retenu ? Finalement non. Une heure et quinze minutes à attendre, recontrôle des papiers du conducteur, le chef signe un papier et s’étonne que le car ait déjà été contrôlé sans récépissé. « Cela doit être les collègues de la région parisienne conclut-il avec son accent bourguignon.
La coupure ?
Le car qui roule depuis le matin s’arrête pour un plein, plus de 300 litres, et ne va guère plus loin. Nous sommes vers Beaune, garés au milieu des poids lourds et le conducteur annonce un arrêt de dix minutes. Il râle. Approchons nous. Il a conduit 8 heures et doit s’arrêter 45 minutes, il n’a pas osé l’annoncer aux passagers qui s’agitent. Il faut faire avec. Au bout de 46 minutes (pour être sûr que l’ordinateur enregistre le bon temps), on repart.
Il va conduire encore ?
Oui, une petite demi - heure avant d’arriver à l’aire de la Ferté, près de Chalon, où un conducteur de relève doit nous attendre. Nous nous arrêtons donc au milieu des poids lourds installés pour la nuit, il pleut. Le conducteur de relève qui doit venir en voiture n’est pas là.
Encore une attente !
Explication : le rendez-vous avec la relève était prévu vers 20 heures, nous avons cumulé au moins deux heures de retard…le conducteur de relève qui devait faire un petit Chalon Lyon a « éclaté l’amplitude », épuisé les quelques heures d’amplitude qui lui restaient. Personne pour le remplacer ?
Et c’est le Barcelone qui trinque
Attente, téléphones, attente. Trois quarts d’heure avant que se manifeste le releveur. Notre conducteur s’éclipse, il repart à Lille demain matin. Nous filons sur Lyon sous une pluie battante. J’ai l’explication : notre nouveau conducteur a été envoyé depuis le dépôt de Belleville alors qu’il partait faire un Lyon Barcelone. Par qui a-t-il été remplacé ? Je ne sais pas. Nous arrivons à Lyon après minuit au moment où le fameux Barcelone prend le départ. A chacun de se débrouiller.
Et au final ?
Près de neuf heures de route et d’arrêts divers dans un car confortable et une bonne humeur générale. Finalement, c’est à peu près ce qui arrive quand un TGV s’offre une panne caténaire ou un « accident de personne ». Pourquoi se plaindre ? Peut-être l’organisation bouts de ficelles de ces nouveaux exploitants serait-elle perfectible ?
Et les cars Macron ont encore de progrès à faire